51---------------------------------------------------------------------

Publié le par Juliette Mézenc

passage express à la press et joli moisson : un télérama qui parle de mes blogueurs préférés, françois bon, chloé delaume, emmanuelle pagano, claro... + le numéro 100 du matricule des anges consacré à chloé delaume (depuis que je grommelais mais bon sang quand est-ce que thierry guichard va se décider à ! et bien c'est fait), hâte d'être à ce soir pour savourer le numéro et continuer "Dans ma maison sous terre", extrait :

" Il y a du vent, beaucoup de vent. Le ciel s'est un peu épaissi. Je m'approche, aucune fleur. Mais des plantes, des bambous, des pots cubiques en verre. Du terreau, des petits galets. La stèle est combinée à une borne de téléchargement. Toute l'oeuvre de Chlotilde, soit quarante-sept romans, treize pièces de théâtre, deux cent vingt-deux textes et trente neuf ans de blog, y est disponible en format numérique. il suffit d'en approcher sa liseuse pour en faire l'acquisition.

C'est une amie de Chlotilde qui a supervisé les images et les mots qui dévisagent sa vie pour mieux la récrire au futur antérieur. Chlotilde ne voulait pas se plier au rituel. Depuis quelques années les morts avaient tous leur montage, diaporama voire court-métrage, elle trouvait cela de mauvais goût. On voyait le corps s'abimer, gonfler et s'affaisser, ou parfois au contraire, le déni restait souverain, les images s'appliquaient à n'être que jeunesse, sourires, vivacité. La surenchère déjà illuminait les tombes, les survivants des uns concurrençant les autres ; honneur, bonheur, fierté. De chaque famille, de chaque vie achevée : une vraie publicité. Elle aurait préféré, Chlotilde, qu'il y ait de la musique, sa musique intérieure. Celle qui se jouait au-dedans aux tout derniers instants, parce qu'elle la trouvait belle. Et juste, aussi, si juste. Tellement qu'elle avait pu en pleurer. Elle aurait bien aimé, Chlotilde, que cette musique là se glisse par Bluetooth dans les oreillettes de quiconque venu se recueillir. Puisque la plénitude ne pouvait être partagée, elle aurait voulu, justement, pouvoir en offrir quelques notes, ruisselantes, pâles et aiguës. Des mp3 étaient bien disponibles, mais il ne s'agissait que des pièces sonores".
(Dans ma maison sous terre, C. Delaume) 

 

Lisez-le, vous allez rigoler. Sans blague. Vous allez réfléchir. Sans blague. Vous allez même mouvoir.

Publié dans comme en concret

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article